L'espion ardennais de la CIA : qui espionné DEGAULLE vu dans la presse

Publié le par alaindudoque

L'espion ardennais de la CIA

Publié le lundi 27 avril 2009 à 01H00

1 › 2
Jean de La Grandville.

Jean de La Grandville.

 

 

NOUS sommes le 7 mars 1966. Assis dans son bureau à l'Elysée, le général de Gaulle appose sa signature à la lettre manuscrite de quatre pages par laquelle il informe son homologue américain de sa décision irrévocable de quitter le commandement intégré de l'Otan. Après avoir traversé l'Atlantique par avion, ce courrier sera transmis le jour même au président Lyndon Johnson par l'ambassadeur de France à Washington.

On sait maintenant de manière indubitable que ce coup de tonnerre diplomatique était tout sauf une surprise pour les dirigeants américains. Depuis des mois en effet, ils étaient informés en direct de l'évolution de la réflexion du général de Gaulle et de sa volonté de plus en plus affirmée de marquer le retour de l'indépendance française sur la scène internationale : une source très bien placée au quai d'Orsay leur fournissait en effet des documents hautement confidentiels leur permettant de cerner au plus près la stratégie gaullienne. On connaît aujourd'hui l'identité de cette taupe : il s'agit du diplomate ardennais Jean de La Grandville.

Des taupes au plus haut sommet

« On a du mal à imaginer à quel point les Américains ont cherché à espionner notre pays du temps de De Gaulle. Et souvent avec succès », affirme Vincent Nouzille. Ce journaliste a passé des mois aux Etats-Unis à éplucher des archives du Département d'Etat américain aujourd'hui déclassifiées et donc consultables : télégrammes diplomatiques, rapports de la CIA, notes de conseillers du président…

« Ils étaient parvenus à avoir accès au plus haut sommet de l'Etat par l'intermédiaire d'informateurs qui leur fournissaient des renseignements. Et dans ce cadre, Jean de La Grandville constituait une pièce essentielle ». Après être passé entre autres par les ambassades de Moscou et Washington, le diplomate ardennais, alors âgé de la cinquantaine, a été nommé chef du service des pactes et des affaires atomiques et spatiales. Un poste hautement stratégique qui lui permet d'être au courant des secrets les mieux gardés de la diplomatie française.

Un espion par conviction

« Il se retrouve au cœur du dispositif à un moment crucial, celui où De Gaulle s'apprête à claquer la porte de l'Otan », raconte Vincent Nouzille. « Or Jean de La Grandville est inquiet de cette rupture annoncée. Il craint un rapprochement avec l'URSS. Et il choisit alors de prévenir les Américains des projets de De Gaulle… ». Ces derniers peuvent dès lors anticiper : « Ils ont même à un moment envisager de quitter la France pour éviter d'être mis dehors par De Gaulle ! ».

Le diplomate fournira des renseignements à ses interlocuteurs pendant 5 ans, jusqu'à sa nomination comme ambassadeur en Argentine. « Il informera également ses correspondants américains sur la force de frappe française ou notre programme nucléaire, mais c'est surtout dans le domaine diplomatique que son action s'est révélée cruciale. Dans ce domaine précis, c'est lui qui est la source principale de Washington. Les Américains ont d'ailleurs tout fait pour éviter son identification : il fallait éviter de griller un homme fiable qui leur permettait de savoir en temps réel ce qui se tramait à l'Elysée ».



Jean-Claude ROUSSEL

« Des Secrets si bien gardés », de Vincent Nouzille, chez Fayard. 494 pages, 22,90 euros.


Publié dans Monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article